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le métier d'historien
4 novembre 2020

Robert Simon (1909-1998), un résistant, un homme étonnant (Jean-Yves Boursier)

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Robert Simon (1909-1998),

un résistant, un homme étonnant

sa biographie par Jean-Yves Boursier

 

C’est l’universitaire Jean-Yves Boursier, d’abord anthropologue du politique et du patrimoine, qui porta ensuite son intérêt sur la période de la Résistance notamment dans l’Yonne, qui consacre une biographie au résistant Robert Simon. Récit et enquêtes basés sur les archives de l’intéressé et les entretiens qu’il a eus avec lui. Peu de recours aux archives générales, sinon quelques références à celles de la Préfecture de police et à celles du Parti communiste. Peu de bibliographie également.

On pourra le critiquer sur cette méthode mais il s’agit tout de même d’une belle réussite d’être parvenu à rédiger une biographie d’un Robert Simon au parcours «organisationnel» sinueux et éprouvant, qui conserve cependant une cohérence de fond à peu près intacte.

Robert Simon est né dans l’Yonne le 28 juillet 1909. Il devient instituteur. La grande déchirure de sa vie fut la perte de son père, tué dans la Somme en 1916. Il en a tiré une haine féroce de la guerre. Et fut attaché au pacifisme du plus profond de son être. Antifasciste dans le début des années 1930, il participe au comité Amsterdam-Pleyel. Il fait un voyage en URSS en 1934 avec les syndicalistes CGT de l’enseignement.

En 1938, il rejoint Marceau Pivert (ex-SFIO) au PSOP (Parti ouvrier et paysan français) et milite dans l’Yonne.

Arrêté le 2 septembre 1939 pour propagande anti-Daladier et opposition au pacte germano-soviétique. Il s’échappe, et donc déserte le 16 septembre.

S’ensuit une longue période de déplacement et d’engagements après qu’il eût renoncé au «pacifisme bêlant». En janvier 1941, il distribue des tracts gaullistes et rencontre Raymond Laverdet (BCRA de Londres). Après un contact avec un communiste (Jacquot), il entre dans le groupe Valmy créé par le PCF pour «liquider» les traîtres (Gitton…) puis pour s’attaquer aux Allemands. Le groupe est anéanti par les Brigades Spéciales, Robert Simon est torturé puis livré aux Allemands.

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Il est déporté à Mauthausen en mars 1943 et passe deux ans en déportation. En janvier 1945, il est désigné comme responsable de l’organisation militaire des résistants du camp.

Après la guerre, il est permanent du PCF de 1945 à 1953. Puis il devient «oppositionnel» et est finalement exclu en 1970. Mais il reste un militant très actif des anciens déportés.

le PCF : quelle résistance ?

Jean-Yves Boursier a su formuler des réflexions justes et rarement évoquées comme celle-ci : «Le PC montre ainsi une absence de pensée sur la question de la guerre, sur les questions militaires autrement que la défense de l’adossement à l’URSS» (p. 60). Ou encore : «D’aucune manière le PC ne s’inscrit dans une logique de guerre de libération nationale qu’aurait nécessité de pratiquer la guerre nationale contre l’appareil d’État vichyste dans la perspective d’une prise de pouvoir» (p. 132) Et encore : «l’existence de rapports étroits entre le BCRA et l’appareil du PC contrairement à ce que le PC a longtemps affirmé» (p. 121)

Il a montré le passage de Robert Simon du «pacifisme bêlant» à la résistance dans le cadre d’une réflexion personnelle et sans «appareil» avec lui.

Douloureux de lire les évocations de la déportation à Mauthausen, avec toutes les contradictions d’une «résistance» (?) possible ou non face à la cruauté SS.

Jean-Yves Boursier rappelle les saloperies de l’appareil du Parti à l’égard des résistants après la Libération. Bon, ça on connaissait déjà, mais là c’est à une échelle locale/régionale. Il évoque également les limites de «l’épuration», à la même échelle. Il rappelle une formule de Thorez que j’avais oubliée : «On ne peut pas épurer pendant 107 ans» (p. 149)… !!

Globalement, le biographe a su mettre à jour la belle figure d’un homme qui est resté droit, honnête et fidèle.

Au chapitre des critiques négatives, on notera que le livre convoque de très nombreux noms propres qui ne disent rien à personne sauf aux anciens ou historiens de l’Yonne. Mais on s’y fait. Il y a quelques fautes typographiques ou de rédaction, par exemple : le journal Le Travailleur communiste… (p. 238) alors qu’il s’agit d’une feuille anti-communiste à cette époque (à ne pas confondre avec le Travailleur de l’Yonne d’après-guerre).

Michel Renard

 

  • Jean-Yves Boursier, «D'Auxerre à Mauthausen et Prague. Le voyage de Robert Simon dans le siècle», éditions du Croquant, juin 2020.

 

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Jean-Yves Boursier

 

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